Voyage Dans Le Monde De Sé by Julien Eric

Voyage Dans Le Monde De Sé by Julien Eric

Auteur:Julien, Eric [Julien, Eric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: essai, etnologie, sciences humaines, La Gang©
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-04-29T17:00:00+00:00


Chapitre 6

Le monde de Sé

« L’homme ivre d’une ombre qui passe porte toujours le châtiment d’avoir voulu changer de place. »

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Santa Marta, Colombie. Quelques kilomètres à peine séparent la chaleur des Caraïbes, l’agitation bruyante et colorée de ses stations balnéaires, des premiers villages kogis. Sur un plan géographique, une ou deux heures de marche suffisent pour passer d’une manière d’habiter le monde à une autre. Sur un plan culturel, c’est plus long.

La route est chaotique, les détours nombreux, perdus que nous sommes dans nos croyances, nos projections, notre « non-agir » et nos émotions, pour accepter, un jour, que l’autre « est » autre, à la fois semblable et différent. Semblable, car il est être de sang, de chair, de croyances et d’émotions, confronté, comme l’ensemble des humains que nous sommes, aux questions d’ego, de jalousie, de pouvoir, de violence, de vivre ensemble, de sens partagé, de décisions collectives, de gestion des énergies de vie – les énergies sexuées –, de représentation et d’explication du monde. Il vient de la même histoire, il a la même origine : « Nous avons le même père et la même mère », rappellent les Kogis.

Différent, car à l’ensemble de ces questions il apporte des formes de réponses singulières, nées du contexte spécifique où elles ont été imaginées et de la relation à l’espace qui les porte. « Ce sont les différents besoins dans les différents climats qui ont formé les différentes manières de vivre, et ces différentes manières de vivre ont formé les diverses sortes de lois1. »

La question qui surgit, immédiate, est de savoir si ces réponses singulières sont archaïques, c’est-à-dire dépassées au regard de notre développement et de nos « progrès modernes » ; trop singulières pour nous concerner, car trop éloignées de nos modes de vie contemporains ? Ou si elles nous concernent, pourquoi et en quoi ? Pour progresser, il faut s’attacher à identifier ce que nous avons de commun, ce que nous avons de singulier, et ce que nous pouvons éventuellement apprendre de l’espace qui s’ouvre entre nous. La réponse est là, évidente, qui devrait nous sauter aux yeux. Que nous soyons kogi, inuit, touareg, parisienne, qatari ou danois, nous sommes toutes et tous confrontés à une seule et même question que nous pourrions formuler ainsi : comment sur nos chemins de vie grandir en conscience, apprendre à vivre ensemble, en interdépendance avec des espaces naturels limités, en tenant à distance violence et barbarie ? Ou, dit autrement, comment « être » humains ensemble ? Une question universelle qui a pris des formes de réponse culturelle différentes selon les espaces et les temporalités où elles se sont incarnées. Dans toutes les sociétés traditionnelles qui arrivent à tenir à distance les risques de sclérose, les réponses sociales et politiques s’appuient toujours sur les principes du vivant.

En ce sens-là, le monde kogi est une école. Pâle et fragile illustration de ce que peut vouloir dire « vivre en alliance avec le vivant », « vivre en paix ensemble » et « transmettre et faire vivre des chemins de paix et d’harmonie ».



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